Ce que disent les enfants

Je me sens touché par ce que vivent les enfants dans beaucoup de familles !
En disant cela, je n’émets aucun jugement sur les uns et les autres.

Ce que disent les enfants - Cabinet CAEN | Le Centre de Développement de la Personne à Wasquehal (proche Lille)
L’enfant, en grandissant, ne devrait pas apprendre à se taire ni à occulter ses élans et ses mouvements intérieurs. Crédit photo : Caleb Woods / Unsplash

Je me sens ébranlé par le fait qu’un enfant puisse ressentir une tension et une pression permanente créées par un climat relationnel que je nomme « conditionnel ». J’ai pu souvent observer qu’un enfant ne peut être profondément lui-même si l’adulte émet un jugement (verbal ou non).

Cette forme de communication est souvent inconsciente chez les adultes et procède le plus souvent de l’intention de base : « je veux te faire du bien !» et de la croyance : « je sais ce qui est bon pour toi ».

Cette manière d’être en relation est souvent accompagnée d’un postulat : « l’enfant me ment ou l’enfant a une stratégie contre moi et contre l’éducation que je lui donne ».

Un rapport de force qui contraint l’enfant à ne plus penser par lui-même

De là se nouent des relations centrées sur le rapport de force où les adultes mobilisent leurs ressources privilégiant les injonctions et la sommation.

Ces adultes pensent ainsi poser un cadre éducatif à l’enfant dont les tenants sont :

– De protéger l’enfant de lui-même et des autres.
– De lui permettre de réussir en suivant un chemin tracé d’avance.
– De rester dans les « bonnes valeurs ».

Outre le cadre familial, ce climat relationnel peut-être parfois observé à l’école et dans les structures de loisirs.

Finalement, l’enfant dans toutes ses sphères de vie, est contrôlé et orienté. Très vite il va développer une dépendance à l’adulte référent qui prend la place de sa capacité à agir et à réfléchir par lui-même.

Un climat qui tend à creuser l’incompréhension dans la relation et la dépréciation du potentiel de l’enfant

Paradoxalement, on peut assister à des plaintes de l’adulte sur le fait que l’enfant ne se prend pas suffisamment en charge et qu’il attend toujours quelque chose de lui.

L’enfant est souvent enfermé dans deux demandes contradictoires. D’un côté : « obéir » et de l’autre : « développer son autonomie ».

Les colères, les révoltes, les incompréhensions, les désaccords de l’enfant sont traités comme s’ils n’étaient pas recevables et acceptables.

Ses idées ou ses remarques vont provoquer des réactions de scepticisme et de jugement.

Ses interventions vont être jugées inopportunes et gênantes.

L’enfant est considéré, au bout du compte, comme une personne « sous-qualifiée » qui ne peut penser et agir sans les adultes.

L’enfant, en grandissant, apprend à se taire et à occulter ses élans et ses mouvements intérieurs. Il ne les reconnaît plus. Il est de moins en moins en contact avec ce qu’il est. Il apprend à répondre aux conditionnements et à donner à l’adulte, la réponse attendue.

L’adulte interprète alors cela comme la réussite de l’éducation dont le modèle est centré sur l’autorité. De fait, sa demande de soumission va s’amplifier en même temps que l’enfant perd de plus en plus confiance en lui.

Ne plus confondre pouvoir et autorité

Ce processus peut s’observer dans beaucoup de familles. Il produit des adolescents fragilisés qui recherchent des moyens d’exprimer leur singularité par des dérives et des comportements à risque. Cela peut se traduire également par un manque de confiance chronique et handicapant.

Je peux observer de plus en plus d’enfants et d’adolescents en difficulté psychologique pressurés par les injonctions parentales qui n’en finissent pas et provoquent des dégâts importants.

Il appartient aux adultes de ne pas confondre « pouvoir et autorité ». En ce sens, j’aime la définition que nous amène le psychosociologue Jacques Salomé : « Autorité : être auteur de sa vie et rendre auteur l’autre de sa vie ».

Les mouvements naturels de l’enfant vont toujours dans le bon sens à partir du moment où le climat relationnel familial favorise un dialogue sensible et respectueux qui ne peut s’affranchir de l’écoute, du regard inconditionnel positif et de l’authenticité.

C’est la clé d’une éducation basée sur la confiance pour accompagner les enfants à devenir des personnes solides et bien ancrées dans leur vie. La pression, le stress, la contrainte abusive constituent des obstacles majeurs au développement de la personne.

Éducation centrée sur la personne : ni laisser-faire, ni contrainte ?

Donner un cadre à un enfant ne signifie pas de le contraindre. Inversement, la prise en compte de ce que ressent l’enfant ne veut pas dire non plus le « laisser-faire ».

Un enfant qui se sentira souvent écouté profondément sera en position d’accepter les attentes de l’adulte.

À travers un climat relationnel bienveillant, il sera en mesure de porter sa confiance aux invitations des adultes et de donner la priorité aux comportements adaptés aux diverses situations.

Développer un nouvel état d’esprit basé sur la confiance en direction de l’enfant est un acte positif aussi pour soi.

Dans l’éducation centrée sur la personne, l’adulte assume sa place d’adulte en veillant au respect de la place de l’enfant. Savoir dire « non » et poser les limites en donnant la possibilité aux enfants d’accéder à la compréhension et à l’appropriation, sont les deux axes de l’éducation bienveillante.

Il permet aux adultes de s’affranchir des vieux conditionnements éducatifs pour construire avec l’enfant une relation éducative centrée sur la personne. Cette dernière s’appuyant sur le désir de développer et de cultiver la singularité de l’enfant.

L’éducation de nos parents ne sont pas des modèles car nous ne sommes pas nos parents. Il nous appartient d’éduquer nos enfants en tenant compte de la singularité et la spécificité de notre enfant et de la nôtre en tant que parent.

C’est dans un climat « inconditionnel » que l’enfant pourra développer lui-même sa capacité à grandir.

La fermeté éducative est nécessaire mais elle peut s’articuler avec la confiance en l’enfant en lui donnant la possibilité d’expérimenter sa solidité intérieure.

Un dialogue partagé entre l’adulte et l’enfant permet à la relation éducative d’être pleinement épanouissante pour chacun.


Jean-Yves CAEN, Psychopraticien dans l’Approche Centrée sur la Personne.
Son espace psychothérapie et relation d’aide