Traiter l’addiction ou comment reprendre en main son cheminement de vie

Que l’on parle d’alcool, de cannabis, de médicaments, de tabac, de pornographie ou de comportements addictifs liés aux jeux vidéo et aux écrans, les addictions racontent une histoire qui diffère d’une personne à l’autre.  Aussi, faut-il se garder de généraliser et de tirer des conclusions hâtives.

Traiter l’addiction. Cabinet CAEN | Le Centre de Développement de la Personne.
Chaque personne confrontée à l’addiction a son processus qui lui est propre. Le thérapeute de l’approche centrée sur la personne est à l’écoute des configurations de son/sa client(e). Dans la relation, il l’aide à mieux s’approprier ses propres outils de lutte. Crédit photo : Dmitry Ermakov / Unsplash.

L’approche centrée sur la personne, mise au point par Carl Rogers, est une approche thérapeutique globale et personnalisée. Elle permet à la personne en proie à une addiction ou à un comportement addictif, lors de sa thérapie, de faire l’expérience de gérer, elle-même, son processus et de renforcer sa capacité à mieux faire face.

Si cette méthode ne peut se substituer à l’hospitalisation dans le cadre d’une addiction très sévère, elle peut encore, dans ce registre, s’inscrire dans la complémentarité.

Avant d’en faire une des spécialités du Cabinet CAEN, Jean-Yves CAEN, psychopraticien dans l’Approche Centrée sur la Personne, s’est d’abord retrouvé en présence de personnes qui venaient consulter pour un mal être général.

De là, la question de l’addiction s’est souvent posée : « Cette confidence très sensible intervient lorsque la personne se sent suffisamment en confiance, loin de tout jugement » souligne le praticien.

Quelques addictions ou comportements addictifs rencontrés au cabinet

L’alcool

Jean-Yves CAEN nous parle de ce cadre supérieur débordé par son travail qui ne peut aller se coucher sans s’assommer avec le contenu d’une bouteille de vin rouge. Le psychopraticien mentionne également l’alcool social ou cette consommation jusqu’au-boutisme jusqu’à effondrement de l’organisme.

Le cannabis

Une addiction largement répandue et malheureusement banalisée. En ligne de mire, le cannabis récréatif touchant particulièrement la tranche d’âge des trentenaires, qui ne peuvent plus avoir un moment convivial sans passer par cet hallucinogène. Le praticien donne également l’exemple de cette personne, en rupture professionnelle et sociale, qui s’adonne à la consommation de cannabis à longueur de journée.

Inversement, cette addiction peut aussi toucher les chefs d’entreprise et salariés face à une logique de résultats de plus en plus contraignante. Cela peut témoigner d’une médiocrité relationnelle dans les équipes au travail. Cette consommation peut aussi révéler le désir caché de changer de métier sans avoir l’état d’esprit qui permettrait de le faire.  « Se cacher dans les toilettes de l’entreprise pour fumer un joint est un acte éloquent sur bien des aspects », analyse le facilitateur de l’Approche centrée sur la personne.

Jeux vidéo et réseaux sociaux

Les concernés par ce comportement addictif se trouvent être dans la tranche des 18-24 ans : « Pour la plupart que j’ai reçu dans mon cabinet, ils ne sont pas venus d’eux-mêmes, ils y ont été souvent poussés par leurs parents » précise le psycho-praticien, en relatant leur comportement addictif avec YouTube, TikTok ou leurs jeux vidéo. « Ils ne sortent plus et restent des journées entières devant leurs écrans. Leurs relations ne se font plus que par médias interposés ». Et le praticien d’insister sur la mise en scène virtuelle au détriment de la relation physique et de l’expérience de l’altérité. Jean-Yves CAEN entend préciser qu’il ne jette pas la pierre aux technologies d’information et de communication (T.I.C.) : « C’est la personne, en fonction de son histoire, qui choisit un média et décide de le rendre addictif», explique-t-il.

Les médicaments

Concernant les médicaments, dont la France reste l’un des plus gros consommateurs d’anxiolytiques, le cabinet voit arriver des personnes qui ne respectent pas les posologies : « L’une d’entre-elles, prenait un Témesta pour la moindre contrariété. » témoigne Jean-Yves CAEN, en mentionnant aussi l’automédication pour supporter des conditions de travail pénibles. Plus grave, Le praticien évoque des prescriptions inappropriées, émanant parfois des généralistes, au point de recommander aux personnes concernées une vérification auprès d’un médecin psychiatre.  

Le tabac

« Le tabac est un produit addictif dangereux. Il produit une somme de configurations dont on ne ressent pas forcément les impacts », insiste Jean-Yves CAEN, en évoquant l’orientation qu’il donne aux relations sociales. Le fameux groupe devant la porte du restaurant ou du lieu de travail : « cela créé une communauté d’intérêt autour de l’addiction. Cela impacte les relations sociales car nous ne choisissons plus d’être en relation en fonction de soi mais en fonction de l’addiction ». Pour le praticien, ce n’est pas anodin à l’échelle sociétale, n’hésitant pas à parler de division. « Les addictions sont le reflet d’une difficulté ou d’une crise relationnelle. Celle liée au tabac est de croire que fumer c’est se mettre en relation ; or, au contraire, il s’agit bel et bien, au sens propre comme au figuré, d’un halo de fumée dans la relation » affirme le psychopraticien.

La pornographie

« Très inquiétante d’une manière générale et avec des répercussions toujours néfastes pour le couple », déplore Jean-Yves CAEN en évoquant les mises en scène « contre nature » qui finissent par devenir une réalité au détriment du respect des personnes, et notamment des femmes.

Le thérapeute parle ici d’addiction de conditionnement : « Nous nous trouvons en présence de gens très fragiles qui recherchent une forte intensité émotionnelle à l’issue de laquelle ils espèrent trouver l’apaisement ».

Les impacts sont nombreux dont ceux physiologiques, avec des troubles de l’érection et des rapports de mauvaise qualité. Il parle aussi des fantasmes qui sont dévoyés dans la pornographie : « Le fantasme est un moteur créatif s’il reste exploité dans le cadre du couple. Dans le cinéma porno, il n’y a plus de limite et c’est dépersonnalisé. La relation sexuelle ou la relation amoureuse appartient aux personnes concernées ou au couple ». Le psychopraticien ne remet pas en cause les pratiques singulières si cela se fait dans le respect de part et d’autre et dans le cadre des limites que les personnes concernées se sont données.

L’addiction sexuelle

Ici, la personne est envahie en permanence par la pulsation sexuelle. « Cette addiction doit-être dissociée du plaisir, elle est destructive au point que cela nécessite parfois une hospitalisation !», explique de manière métaphorique, Jean-Yves CAEN, avec ces vagues furieuses de l’océan qui emprisonnent et ballottent l’individu qui se trouve alors dans l’incapacité de gérer cette pulsion. Le thérapeute intervient dans la zone où la personne a la capacité de gérer ses configurations. Si ce n’est pas possible, il rapprochera alors son client d’un psychiatre. Inversement, le psycho-praticien pourra également intervenir en complément, en milieu hospitalier ou dans les structures psychiatriques.  « Il peut le faire car il connaît les limites de son intervention », précise le facilitateur dans l’approche centrée sur la personne.   

Les sensations fortes

 À des prises de risque pour se « sentir vivre ».

Les terrains qui favorisent les addictions

Les personnes qui ont développé des modes de compensation à la suite de traumatismes psychiques : perte(s), accident(s) grave(s), violence(s), agression(s) sexuelle(s), maltraitance(s), négligence(s) affective(s) durant l’enfance.

Les hauts potentiels en raison de leur sensibilité accrue. Certains d’entre eux peuvent s’addicter pour stabiliser leur état émotionnel.

Les personnes acculées par un changement important et non compris qui peut intervenir au cours de leur vie.

Les prédispositions génétiques vont évidemment jouer un rôle déterminant pour favoriser tel comportement ou tel produit addictif.

Chaque personne est différente 

« L’accompagnement va être différent pour chaque personne », précise le psychopraticien : « Une personne qui fume du cannabis tous les soirs avant de se coucher doit être différenciée de celle qui s’alcoolise toute la journée. Il ne s’agit pas des mêmes ressorts. Ils ont en commun une addiction mais qui ne produit pas les mêmes effets dans la structure globale de la personne » et de préciser que chaque produit a ses propres caractéristiques qui ont été choisies par la personne en fonction de ses enjeux propres et de la nature de sa relation au monde. D’où l’importance pour le thérapeute, appelé ici le facilitateur, de l’aider au mieux à s’approprier ses propres outils de lutte.

Pourquoi doit-on supprimer ou combattre l’addiction ?

Une question qui fait plus sens qu’il n’y paraît de prime abord. Dans l’approche centrée sur la personne on ne priorise pas le : « il ne faut pas » rappelle le psychopraticien et de rajouter : « On supprime cette injonction qui induit les jugements et les évaluations extérieures qui tendent à renforcer que la personne n’a pas de marge de manœuvre dans le cadre de son addiction. Or, il faut bien comprendre que l’addiction a, au contraire, toute sa raison d’être dans le processus que la personne a mis en place contre ses angoisses », explique Jean-Yves CAEN. L’accompagnement doit permettre à la personne de s’ajuster elle-même.

 « Les configurations » ou comment se frayer un chemin dans la vie 

Le psychopraticien Jean-Yves CAEN insiste sur cet aspect : « Le choix d’un produit ou d’un comportement addictif n’est jamais anodin, et pour cause, ça parle de soi ! ».  Et c’est bien une exploration qui va se jouer pour la personne à travers ses multiples « configurations (1) ». Les configurations, dans la théorie de Carl Rogers, représentent plusieurs « parts » à l’intérieur de son Self (soi) qui peuvent jouer en interaction et même créer d’autres « configurations ».  Aussi, on comprendra aisément que l’exploration d’une personne peut être vertigineuse.  

Un comportement addictif ou une consommation d’un produit addictif créé une configuration nouvelle qui participe désormais à une cohérence globale. Ainsi, la personne s’est agencée intérieurement à l’aide de cette configuration dont elle est désormais dépendante. Il s’agit désormais d’une part de sa structure existentielle.

Toucher à une configuration, c’est bouleverser un ordre établi qui modifie la façon dont la personne se perçoit. Elle va découvrir des choses qu’elle ne percevait pas avant puisque l’addiction orientait sa perception subjective.  Aussi, est-il facile de comprendre qu’il est insuffisant de réduire l’addiction à un plaisir pathologique. Comprendre l’addiction c’est comprendre la personne dans sa globalité. Dans sa manière singulière de se construire et de se frayer un chemin dans la vie. 

Rendre la personne autonome dans son évaluation et lui apprendre la médiation entre ses configurations

« L’addiction s’est créée sur un conflit de configurations que la personne confine en son for intérieur lorsqu’elle ne veut – ou peut pas – résoudre son conflit », explique le facilitateur dans l’approche centrée sur la personne. Il cite l’exemple de cette personne, consommatrice de cannabis, coincée entre deux configurations : la peur de la solitude et l’envie, au contraire, d’en faire l’expérience. L’enjeu pour le praticien est de lui faire prendre conscience de son conflit et de lui donner les moyens de l’évaluer : « Il y a un processus qui permet l’accueil et l’acceptation globale » (2) explique Jean-Yves CAEN.

Les trois conditions pour permettre à la personne d’être actrice dans sa thérapie

L’accompagnement du facilitateur de l’approche centrée sur la personne permet de faciliter l’auto conduite de la personne lors de la thérapie (3).

Il lui offre trois « conditions » :

1. L’empathie

pour permettre à la personne de s’écouter, de ne pas se juger et de prendre les choses comme elles sont.

2. Le regard inconditionnel positif

grâce à ce regard, il va apporter à sa démarche, une absence de pression et la remplacer par un regard inconditionnel qui va, dans le processus thérapeutique, générer de la confiance.

3. La congruence

« l’art d’être d’accord avec soi-même », explique Jean-Yves CAEN non sans préciser : « Quand la personne s’apporte ça, elle va l’utiliser pour apporter une vraie honnêteté et développer une extrême lucidité face à son addiction, dont elle ne sera plus dupe ». 

 


 (1) : À ce sujet, nous vous recommandons de compulser cet extrait, tiré du livre La thérapie centrée sur la personne et les « configurations » du Self de Dave . Mearns, Brian Thorne et Cécile Rousseau (2000). 

(2) : la notion d’Insight 

(3) : Notons toutefois que l’approche centrée sur la personne est insuffisante et demande un suivi médicalisé en complément si le degré d’addiction ne permet plus à la personne d’être autonome.


L’espace psychothérapie et relation d’aide de Jean-Yves Caen, psycho praticien et facilitateur dans l’approche centrée sur la personne.